Discours de M. Marc-Antoine JAMET, maire et conseiller général de Val-de-Reuil
20ème anniversaire du centre d’incendie et de secours de Val-de-Reuil/Louviers
Hommage à Jacky Bidault
Samedi 26 avril 2025 – 9h30
Avenue des Métiers – Val-de-Reuil
Madame Nicole Bidault, Monsieur le préfet de l’Eure,
Chers collègues maires de Louviers et d’Incarville, Chers amis élus,
Monsieur le Président du SDIS, cher Pascal Lehongre, Mon colonel,
Officiers, sous-officiers et sapeurs-pompiers,
Mesdames et messieurs,
Il est assez rare qu’un hommage réunisse autant d’uniformes, d’élus et d’officiels. Il est plus rare encore qu’il associe un homme, un métier, un service public, et un édifice. Enfin faut avouer qu’il est rarissime qu’il soit rendu à Val-de-Reuil, par son Maire qui plus est, à un Lovérien, même d’adoption. Je n’en ai pas le souvenir depuis le départ du regretté Michel Doucet qui veillait avec tant de talent et compétence sur les finances de sa ville et de notre agglomération qu’il nous manque encore.
La grande fraternité qui s’est créée autour de Jacky Bidault au fil des décennies explique cela. L’amitié, la reconnaissance et l’admiration que nous devons quotidiennement aux pompiers (ne serait-ce que parce que, il y a à peine deux nuits, ils ont éteint un violent incendie rue des Façonniers dans ma commune) sont probablement à l’origine de ma conversion miraculeuse aux beautés de la Place Thorel.
Permettez-moi de dire quelques mots de ma première rencontre avec Jacky Bidault. Elle remonte déjà à un quart de siècle. Parmi ceux qui vont prendre la parole ce matin, je crois être le seul, avec le colonel Binninger, à prétendre l’avoir connu sous l’uniforme. J’allais dire au temps de sa splendeur. Notre relation fût immédiatement empreinte non seulement de courtoisie, de confiance et de convivialité, mais aussi d’estime et de respect. Dans la conversation, dans la vie de tous les jours, les valeurs de Jacky Bidault étaient celles d’un homme honnête et droit. Dans l’exercice de ses fonctions, dans l’art de commander, il avait les qualités d’un professionnel qui n’a pas besoin d’en rajouter pour qu’on l’écoute et qu’on lui obéisse. Pour gérer des hommes, dont il avait partagé la condition dans tous les grades et dans toutes les situations, afin d’en tirer le meilleur part, comme l’ont rappelé ses frères d’armes, lors de ses obsèques, alors que nous étions réunis autour de son cercueil à la collégiale de Louviers, il savait additionner l’autorité du chef à la compétence de l’expert et à la bienveillance du sage.
A la caserne, en opérations, il n’avait pas besoin de hurler, malgré les crépitements d’un brasier, pour se faire comprendre et ses ordres exécutés. L’attachement, presque l’affection, qu’a montrées à son égard Aymeric Binninger qui retraçait sa carrière, il y a quelques secondes, en est un témoignage précieux. Son émotion sincère montre qu’il y avait quelque chose de différent et de probablement familial, de sympathique et d’amical, en même temps que de profondément rigoureux et solide, dans le management de Jacky Bidault. Sa recette était simple. C’était celle de la vie. S’il était exigeant avec ses équipes, il l’était d’abord avec lui.
Pourquoi suis-je en train d’accorder autant d’importance à l’humanité du caractère de Jacky ? Parce que, pour qu’un maire réussisse, il faut qu’il ait un bon préfet et un bon curé (ou un bon imam !), un bon commissaire et un bon proviseur, un bon notaire et un bon pompier. Bon Jacky l’a été assurément. Il a même été excellent. Le commandant Bidault, avec moi, a été disponible et patient, accessible et rassurant, déterminé et efficace. Il a été un soutien, un allié, un renfort, un atout. Nous avons été partenaires, dès le début de mon premier mandat, en 2001, pour l’engagement des actions et le partage d’informations, pour le développement de la Ville et le bonheur de ses habitants. Tout juste me suis-je demandé, après m’avoir fait monter tout en haut de la grande échelle pour m’annoncer aussitôt qu’elle était bloquée et que je ne pouvais en redescendre, s’il n’y avait pas un peu de bizutage dans cette panne soudaine. Quelques sourires sous les casques me le laissaient penser… ! Les jours passant, nous n’avons rien changé dans notre relation jusqu’à sa retraite…
Certes, nous avons connu les temps difficiles : tornade, noyade de gendarmes, incendie de Pfizer, pyromanes de containers poubelles qui justifiaient des dizaines de sorties journalières (il n’y en a plus et c’est là que l’on voit que la ville a changé), suicides, accidents sur l’A13, jeunes décédés au volants, familles disparues dans l’incendie de leur maison, émeutes de 2005 (alors que les consignes données aux « soldats du feu » n’étaient pas de rester stationnés sur le parc des sports comme en 2023). Des cadavres, des flammes, des explosions… Ces horreurs, ces malheurs, nous ont rapprochés, soudés et rendus solidaires.
C’est alors qu’est arrivé un premier grand projet. Rapprocher les deux arsenaux : celui de la cité contemporaine et celui de la cité drapière. Pas facile. Pas commode. Pas aisé. Il y avait de l’inimitié, de la rivalité, de l’animosité entre les deux communes. Je me demande d’ailleurs pourquoi…. Jacky Bidault parvint pourtant à rassembler ses deux escouades, donnant un exemple que les communes auraient été bien inspirées de suivre. On sait ce que cela aurait donné électoralement et pourquoi Louviers refusa de peur d’être régie par un maire rolivalois.
Quoi qu’il en soit, il fallait un toit à ce projet. Ce n’était pas encore la lune de miel entre les deux casernes, mais déjà du concubinage entre les équipages. Il fallait les rassembler et cela nécessitait de l’argent : Jean-Louis Destans en donna, six millions d’euros sans barguiner, et, par pitié, qu’on arrête de sous-estimer ce qu’il fit pour les pompiers en son temps.
Il fallait un terrain. Val-de-Reuil, seul, contribua à le donner. La commune le fit gratuitement et on peut imaginer la valeur de ce don quand on connaît le prix du mètre carré à cet endroit. Prix justifié pour ceux qui ont mis un jour, comme moi, une chaise face à l’A13 et au soleil, à côté de la pompe à essence du centre. Il n’y a pas mieux pour une sieste. Il n’est pas non plus de plus beau point de vue. Ce n’était donc pas un mince cadeau. Nous en sommes d’autant plus conscients que nous avons fait de même quelques années plus tard pour le commissariat. Avec le commandant Bidault, c’était son grade de l’époque, nous avions le sens du symbole et savions que la localisation du nouveau centre serait déterminante. Cela méritait bien quelques sacrifices.
Il fallait une feuille de route à ce qui allait se construire. Jacky Bidault la dressa entièrement. Le nouveau centre allait être celui d’une ville nouvelle, d’une commune millénaire et de 19 autres communes, celui de l’industrie et des activités Seveso, celui de l’autoroute, du fleuve, de la rivière et de la ligne de train. Le travail n’allait pas manquer. Les missions étaient impressionnantes. Jacky Bidault n’en laissa aucune de côté. Il s’empara de la définition du fonctionnement avec Aymeric Binninger, son adjoint, il sût tout prévoir : estimation des volumes, marche en avant, programmation fonctionnelle, allocation des moyens, confort des hommes (et des femmes puisqu’elle avait rejoint l’unité !).
Il restait les questions futiles et esthétiques à traiter, bref le choix de l’architecte et du bâtiment. Comme me le disait, hier, le maître d’œuvre, un peu esseulé, de la passerelle que nous allons inaugurer le 11 juillet devant la gare de Val-de-Reuil, je ne suis pas trop mauvais là-dedans. J’allais mener la bataille. Jean-Louis Destans refusait d’être l’arbitre de nos querelles. Nous devions n’être que trois à décider. Il fallait être deux contre un pour l’emporter. CQFD. Franck Martin, qui s’est battu comme un lion pour la Ville de Louviers pendant des années, ne tenait pas toujours, pour cette mauvaise raison, à ce qu’il y ait de beaux bâtiments à Val-de-Reuil. Il penchait donc pour un « machin » assez banal et assez moche. C’est un défaut qui se transmet de président d’agglomération en président d’agglomération.
Moi-même, qui avait poussé, suscité, voulu, choisi ce bâtiment, je n’en démordais pas et le défendais bec et ongles. Certains, une larme à l’œil, me demandait même si j’avais eu assez de jouets enfant pour vouloir une aussi belle caserne. La voix de Jacky Bidault était donc déterminante. Il aurait pu, il aurait dû rejoindre le Maire de Louviers. À ses risques et périls, il s’allia avec celui de Val-de-Reuil. C’est un exemple qui devrait se reproduire plus souvent. Une explication cependant : pour Jacky Bidault, rien n’était trop beau pour atteindre ses objectifs. Il s’était déterminé en son âme et conscience.
Nous avons donc adopté le superbe projet de Cyril Leroux, visible, différent, identifiable, et surtout rouge, conçu comme un hommage aux pompiers. Quand on a un service public comme le SDIS, on ne peut pas être abrité dans une cabane. Il faut signaler, par la bonne forme, par la bonne couleur, que c’est ici que le service public, l’engagement, le dévouement sont vivants. Et je pense que nous y sommes parvenus avec cet arsenal qui est, certains le remarquent, le contrepoint du Théâtre du même nom.
Aujourd’hui ce bâtiment est un exemple. Aujourd’hui il reste moderne. Aujourd’hui il n’a pas une ride. Aujourd’hui il est un exemple pour bien des centres de secours. J’ai connu des investissements moins utiles et moins durables. C’est en cela que Jacky Bidault était précurseur et visionnaire.
Quelques remarques plus personnelles sur celui dont nous allons donner le nom au centre de secours de Val-de-Reuil/Louviers. Le sang des pompiers coulait dans ses veines, celles de son grand-père, celles de son fils avec nous aujourd’hui. C’était une passion, c’était un sacerdoce. Dans une discussion très personnelle il m’avait confié que la brève interruption de ses 36 années de carrière de pompier, au milieu des années 90, ne lui avait pas laissé que de bons souvenirs. Il lui manquait quelque chose. Il lui manquait le corps des sapeurs-pompiers, les missions des sapeurs-pompiers, le salut des sapeurs-pompiers. Il voulait retrouver sa carrière de soldat du feu et il la retrouva.
Retraité, il avait rejoint le conseil d’administration du SDIS, mais il l’avait fait sans paternalisme, sans nostalgie, sans prendre la place de ceux qui lui avaient succédé, sans donner des leçons, sans imposer des conseils, avec une élégance, avec une bienveillance, avec une indulgence, assez remarquables. Il a agi avec le recul et la distance nécessaires pour ceux qui avaient été ses subordonnés et qu’il ne commandait plus, mais qu’il continuait à regarder avec une profonde affection.
Nous ne partagions pas les mêmes idées. Pas seulement politiques. Natif de Rouen, il s’était épris de Louviers. A-t-on vu plus étrange ? Mais jamais il n’a manqué de correction, d’éthique et de justice à l’égard de Val-de-Reuil. À l’occasion de la dernière Sainte-Barbe, au milieu des jeunes sapeurs-pompiers, il m’avait semblé triste et je lui avais dit assez bêtement qu’il avait l’air d’aller mieux. Il m’avait souri d’un air triste en me disant que les choses étaient dures. Ce fût notre adieu.
Mais nous savons tous qu’en donnant son nom, le nom de Lieutenant-Colonel Jacky Bidault, à ce centre, nous allons faire de nous tous beaucoup plus que ses successeurs. Nous allons devenir ses héritiers. Ce centre porte son nom pour l’éternité. Celui du courage, du dévouement et de la solidarité. Je vous remercie.
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